Jumelles, sur l'azur elles fument debout,
Annelées de fournaise noire,
Cernées de rougeoyants remous,
Occultées d'une sombre gloire:
Tout l'humain en stupeur muette se résout.
Sans appel, comme sombrent,
Verticales, deux proues, les hublots embrasés,
S'abandonnent les tours, grondements et décombres:
Leur colossal affaissement où gît la cendre inapaisée
De ceux qui furent, dans leurs cris de chair, des flammes, puis des ombres.
Visages miens des inconnus dont me prive le meurtrier
Fier de nous fulgurer à plaisir sa justice !
Faces baignées d'un infini que le brasier
Evapore: nulle buée ne demeure ici; nul indice
N'affirme leur destin lugubre et singulier.
D'autres - sans oubli mon regard - viennent profiler aux fenêtres
Leur angoisse en surplomb, s'élancent d'un rebord
Ultime: le feu leur flairant déjà l'échiné, ils ont peut-être
Choisi, serrés par l'épouvante, une autre mort...
Sans fin mon souvenir les entend disparaître.
Un avion dévoyé, plus tard son complice, ajustent l'orgueil
Tranquille et sûr des gratte-ciel qu'ils éperonnent:
Le monde écoute, blême, interdit, sur le seuil
Du vertige, s'annihiler, dans les spasmes, mille personnes
A même Manhattan, haut lieu de notre deuil...
Nous avons, soucieux du pouvoir mercantile
Où, meneur d'un Progrès fatal, l'Occident se juge majeur,
Négligé l'indigent, l'amer qui, parmi la haine s'exile
Et se déprave à ne rêver que de terreur
Automate, régie par un songe fossile.
Quant à l'homicide fardé sous un pur Islâm, odieux
Au Magnanime détenteur de la vengeance,
II mourra seul, sans bruit, le souffle hoqueteux,
Suffoqué de silence,
La bouche torve, emplie de l'absence de Dieu.
Bon-Encontre
3 janvier 2002