Tu sors, un matin du vieil août,
Dans la brume, fraîcheur d'automne :
Un soleil jaune sourd rayonne, enseveli,
D'un amas de nuées : troupeaux, troupeaux d'orages
Qu’un grand souffle harcèle !
Passant d'un horizon
Où fument des nuages
Au pis marbré d'éclairs,
Tout hérissé d’une pensée impatiente,
Je descends vers une saison
De mélancolie dont s’éloignent
Les oiseaux anxieux,
Où reviennent déjà les pluies du bout du monde ...
L'été majeur emporte au loin ses ailes pourpres !
Et meurent les midis vertigineux d'or blanc
Sur la mer écarlate !...
Je rangerai ma barque,
Les rames retombées, le crochet à cueillir
Les oursins (ô chair d'ambre
Ou de nèfle) parmi l'amitié de la mer.
Regarde : soulevant un désordre furieux
De songes comme goélettes,
La houle convulsée
Se divise, écume de l'Etre !
La terre seule est désormais le lot
Rétréci de l'âme aux tourbillons d’amertume.
Que m'importe les fruits si, la bouche agrippée
Aux raisins violets, je ne sens plus que filtre
La sève bleue du jour
Aux paupières poreuses,
Et vous, jardins, vos succulents pavois
Si je ne sens sur la basane de l'épaule
L’ample étendard du ciel !
Veuille l'Eté porte-lumière
Que s'en retourne les puissants béliers d'orage vers le nord
Afin que, saluant midi
De la splendeur de ma louange,
Je remette ma joie au sacre de la mer,
Dans l'univers lâchés les grands oiseaux du rire !
Extrait de « Sanctuaires »
Carbinica, 1968